J'ai grandi dans les médias. Quand j'ai rejoint BFM Business, la promesse était claire : donner au top 1% des décideurs français l'information leur permettant d'avoir une longueur d'avance permanente sur leurs concurrents. Des gens brillants, excellemment formés, qui savaient traiter la matière première informationnelle. Le modèle a fonctionné pendant vingt ans. Puis quelque chose s'est cassé. Pas l'info elle-même, mais le rapport entre information et décision. Et personne ne l'a vu venir.
Je viens d'une famille de journalistes. Alors quand j'ai rejoint BFM Business comme directeur du développement et de la diversification, je n'arrivais pas en touriste. Je connaissais les codes, les exigences, la promesse.
Et cette promesse était limpide : donner aux décideurs français — le top 1% — l'information qui leur procure un avantage comparatif. Pas de l'info grand public. Pas du divertissement habillé en analyse. De la vraie matière première décisionnelle, livrée à des gens qui savent quoi en faire.
Le raisonnement tenait debout. Ces dirigeants sortaient des meilleures écoles. Ils étaient formés à traiter l'information, à identifier les signaux faibles, à arbitrer sous contrainte. Donnez-leur la meilleure matière première informationnelle, ils produiront les meilleures décisions. CQFD.
Sauf que quelque chose s'est cassé.
L'obésité informationnelle comme pathologie du système
Le premier problème, c'est le volume. L'info n'est plus une ressource rare qu'on optimise — c'est un flux obèse qu'on subit. Les dirigeants ne manquent pas d'information, ils en étouffent. Newsletters, alertes, dashboards, notes de synthèse, podcasts écoutés en accéléré entre deux réunions. La machine ne s'arrête jamais.
Herbert Simon l'avait vu venir dès 1971 : "L'abondance d'information crée une pauvreté d'attention." Mais on a cru qu'avec de meilleurs outils de curation, de meilleurs algorithmes de recommandation, on résoudrait le problème. On ne l'a pas résolu. On l'a industrialisé.
Le deuxième problème est plus sournois : l'info est devenue contestée. Pas au sens complotiste du terme, mais au sens épistémologique. Chaque donnée a son contre-narratif, chaque expert son contradicteur, chaque certitude son sceptique légitime. Les dirigeants ne savent plus quelle info croire, pas parce qu'ils sont mal formés, mais parce que la fiabilité elle-même est devenue un terrain de bataille.
Résultat : ceux qui ont été formés à traiter l'information de manière rationnelle se retrouvent paralysés par l'excès de rationalité. Trop d'inputs contradictoires. Trop de signaux faibles qui se neutralisent. Trop de complexité pour que les patterns d'hier fonctionnent encore.
Le changement permanent de paradigme
Mais le vrai effondrement de la promesse BFM Business tient à autre chose : nous changeons de paradigme en permanence. Les patterns qui fonctionnaient hier sont inopérants aujourd'hui. Les modèles mentaux qui ont fait la réussite d'une génération de dirigeants deviennent des handicaps.
Nassim Taleb parle de ces événements "Black Swan" qui invalident rétrospectivement tous les modèles prédictifs. Sauf qu'on n'est plus dans le régime du cygne noir rare — on est dans celui du cygne gris permanent. La disruption n'est plus l'exception, c'est le mode de fonctionnement par défaut.
Et face à ça, l'excellence informationnelle ne sert à rien. Pire : elle devient un piège. Parce que les dirigeants les mieux informés sont aussi ceux qui ont le plus investi dans des grilles de lecture qui ne fonctionnent plus. Ils continuent d'accumuler de l'information dans l'espoir qu'une donnée supplémentaire leur apportera la clarté. Elle ne viendra pas.
Le problème n'est pas informationnel. Il est cognitif et émotionnel.
UNREST : du sujet informé au sujet sachant
C'est là qu'intervient l'idée fondatrice d'UNREST, empruntée à la posture clinique : le sujet est le sachant. En psychologie clinique, le thérapeute ne détient pas la vérité sur le patient. Il crée les conditions pour que le patient prenne conscience de ses propres schémas, de ses blocages, et trouve ses solutions.
Transposé au leadership : et si on arrêtait de gaver les dirigeants d'information externe et qu'on leur donnait plutôt accès à leur propre fonctionnement cognitif et émotionnel en train de décider ?
UNREST construit un jumeau numérique cognitif et comportemental. Pas un assistant qui vous dit quoi faire. Pas un coach virtuel qui vous bombarde de conseils génériques. Un alter ego numérique qui modélise votre façon de penser, d'interpréter, de réguler vos émotions sous pression, et qui vous montre vos propres patterns en temps réel.
Kahneman a passé sa carrière à documenter nos biais cognitifs. Brené Brown a démontré que la vulnérabilité du leader était la condition de l'efficacité collective. UNREST traduit ces insights en infrastructure : il ne vous dit pas "voilà la bonne décision", il vous dit "voilà comment vous êtes en train de décider, et voilà ce que ça révèle sur votre état cognitif actuel".
De la promesse informationnelle à la promesse cognitive
La révolution n'est pas technologique. Elle est conceptuelle. BFM Business partait du principe que les dirigeants étaient des machines rationnelles bien calibrées qui avaient juste besoin du meilleur carburant informationnel. UNREST part du principe inverse : les dirigeants sont des systèmes cognitifs et émotionnels complexes, souvent saturés, parfois dérégulés, et leur performance dépend moins de la qualité de l'info externe que de leur capacité à se comprendre eux-mêmes en train de traiter cette info.
Pas plus d'information. Mais plus de lucidité sur son propre fonctionnement. Pas un avantage informationnel. Mais un avantage cognitif.
Les dirigeants les mieux formés ont appris à traiter l'information de manière rationnelle. Ils n'ont jamais appris à observer leur propre cognition en train de fonctionner, à repérer leurs propres biais en temps réel, à réguler leur propre état émotionnel avant qu'il ne sabote leur jugement.
UNREST ne remplace pas BFM Business. Il répond à la question que BFM Business ne peut plus résoudre : comment rester lucide et efficace quand l'info ne suffit plus ?
C'est le pivot du siècle. De l'économie de l'information à l'économie de la cognition. Les gagnants ne seront plus ceux qui ont la meilleure info, mais ceux qui se comprennent le mieux en train de décider.





